Démarchage téléphonique, mailing à la pèle, certification usurpée ou abusée, pratiques marketing illégales, difficultés à trouver une formation parmi le catalogue proposé.., autant d’éléments, qui aujourd’hui, découragent de nombreux particuliers à utiliser leur droit à la formation et qui détériorent la réputation des centres de formation soucieux d’utiliser correctement ce dispositif.
Pourtant, l’idée est novatrice et répond à un besoin actuel : permettre à chaque actif d’engager en toute autonomie et rapidement une action de formation permettant de développer des compétences reconnues qu’il pourra valoriser.
Que s’est-il passé pour qu’on associe plus facilement au CPF le mot « arnaque » plutôt que compétences ? Quelles ont été les principales « dérives » qui ont conduit aux difficultés rencontrées aujourd’hui ? Comment y palier ? 👇
Zoom sur les pratiques douteuses et/ou illégales qui ont mis à mal le CPF
Proposer des offres de formation sans en avoir le droit.
Non, toutes les formations ne sont pas « éligibles » au CPF. Nous en avons d’ailleurs parlé dans notre précédent article « Et si vous rendiez vos offres de formation « certifiantes » ? »
C’est le décret n° 2018-1338 du 28 décembre 2018 relatif aux formations éligibles au titre du compte personnel de formation qui a fixé les règles.
En qualité d’organisme, vous pouvez déposer votre offre de formation sur votre espace dédié (« EDOF ») si, et seulement si, elle correspond à l’une des catégories ci-dessous (capture d’écran EDOF)
Par « certification », comprenez certification enregistrée sur l’un des deux repertoires nationaux de France Compétences – RNCP ou RSCH.
La création ou le renouvellement de certification est soumis par des « porteurs de projet » (ici, les « certificateurs » – ministères, branches, chambres consulaires et organisme de formation).
L’enregistrement peut-être considéré « de droit » (diplômes de l’enseignement supérieur délivrés au nom de l’Etat) ou « sur demande » ; dans ce deuxième cas de figure, c’est à la commission de la certification professionnelle de France compétences de délibérer sur la décision de certification.
Dans tous les cas de figure, les certificateurs sont les seuls à pouvoir délivrer les certifications dont ils sont responsables et à pouvoir habiliter des « partenaires » voire des « co-certificateurs » pour réaliser la formation certifiante et/ou les épreuves de certification.
Et c’est là que le bas blesse. De manière intentionnée ou par méconnaissance du système, de nombreux organismes ont proposé des offres de formation « certifiantes » sur le CPF sans en avoir l’autorisation, c’est à dire sans habilitation de la part du certificateur.
De ce fait, de nombreux stagiaires ont suivi une formation dite « certifiante » sans bénéficier de la certification officielle (voir sans passer de certification du tout)
Mais comment est-ce possible ? L’identité du dépositaire n’était pas préalablement vérifiée ?
Jusqu’à 2022, il n’y avait pas de système qui permettait de lier les informations saisies sur la plateforme EDOF, et donc disponible sur Mon Compte Formation, et les enregistrements de certification, gérés par France Compétences. Hors mis les contrôles aléatoires et les contrôles sur service fait, il n’y avait pas de « barrière » pour bloquer les éventuels usurpateurs.
Aujourd’hui, l’encart « l’habilitation à former de cet organisme n’a pas pu être vérifiée pour cette certification » est précisé pour les formations existantes et dont les remontées ne permettent pas d’attester du droit d’utilisation, par l’organisme de formation, de la certification visée. Ce contrôle encadre les créations et modifications de formations ainsi que les validations de dossiers de formation.
Pour aller plus loin : Habilitation à former : vérifiez que vous êtes bien inscrit auprès de France compétences
Détourner la finalité de la formation pour bénéficier du CPF
Hormis les formations dites « certifiantes », les autres actions éligibles au CPF – Bilan de compétences, accompagnement à la VAE, Permis de conduire et création d’entreprise – y sont inscrites de « droit ».
Il n’y a pas de « certificateur » à qui demander une habilitation pour pouvoir réaliser l’action en question. Il est donc important de bien vérifier le contenu de l’action, car, à l’heure actuelle, Il n’y a pas « d’avertissement » sur la nature du contenu proposé.
L’exemple ci-dessous (capture d’écran du 09/02/2022) témoigne du détournement possible : l’action bilan de compétences est associée à une proposition de cours de « chinois ».
Vous conviendrez qu’il y une faible probabilité pour que le contenu associé au titre de l’action corresponde aux attendus d’un bilan de compétences….
Depuis janvier 2022, Qualiopi® a fait le tri
Depuis le 01/01/2022, les organismes doivent être certifiés Qualiopi® sur une ou plusieurs catégories d’actions (Formation, Bilan de compétences, VAE et/ou CFA) s’ils veulent bénéficier du CPF (et d’autres fonds publics), ce qui a permis de faire un premier tri, notamment sur l’utilisation frauduleuse des actions de bilan de compétences et de VAE à d’autres fins que les leurs.
Mais les détournements restent encore nombreux, notamment sur l’action de formation « création/reprise d’entreprise » où on y retrouve des formations en développement personnel, en gestion du stress, en préparation de certification ….
Démarcher à tour de bras et offrir des cadeaux pour inciter à utiliser son CPF
Démarcher les usagers pour les informer de leurs droits au CPF est une pratique commerciale « légale » (enfin, vérifier bien votre politique d’acquisition, de traitement et de conservation des données personnelles quand même….) . Ce qui l’est moins, c’est de réaliser des publicités mensongères (« Vite, vous allez perdre vos droits CPF! ») et d’usurper leur compte CPF pour valider des actions de formations…
Sur les 38 millions d’inscrits sur la plateforme, 10 000 auraient été victimes de cette escroquerie, qui se chiffre à un peu plus de 15 millions d’euros (ben voyons :/).
La Caisse des dépôts a mis en place des actions de sensibilisation pour informer le public dès l’interface d’accueil, doublée d’une possibilité d’utiliser France connect pour s’identifier.
Côté législatif, la réponse est en marche (sans jeu de mot^^) – l’exécutif n’enterre pas son souhait de proposer une loi interdisant le démarchage téléphonique d’ici le scrutin présidentiel, malgré l’échec de l’amendement proposé par la Ministre du travail en été 2021, suite au rejet massif par les sénateurs du Projet de loi de finances, auquel cet amendement était rattaché.
Le 10 février 2022, la députée LREM de Gironde Catherine Fabre a déposé une proposition de loi visant à interdire tout démarchage concernant le compte personnel de formation. Cette démarche a été soutenue par une centaine de députés de la majorité.
Pour aller plus loin : Une députée LREM veut interdire le démarchage téléphonique pour le compte personnel de formation.
Et les cadeaux alors ?
Non, ce n’est pas légal.
Pour une raison simple : les fonds publics servent à financer les coûts pédagogiques liés aux actions, pas l’achat de matériel.
Et n’essayez pas d’argumenter sur l’intérêt pédagogique d’un ordinateur ou d’une tablette, d’autres ont déjà tenté 😎
Résultats : vous devez prouver que la configuration de l’appareil répond uniquement à un besoin lié à la formation dispensée.
Par contre, vous risquez « gros ». Ces cadeaux sont considérés comme des appâts, et relèvent d’une pratique de communication et commerciale sanctionnable.
Et si nous, acteurs de la formation et du développement des compétences, sauvions le soldat CPF?
Eclairer les consommateurs sur la bonne utilisation de Mon Compte Formation en se mobilisant
Vous êtes nombreux sur les réseaux, articles de blocs à dénoncer la mauvaise utilisation du CPF.
Pour « pallier » aux abus, il faut communiquer et soutenir les actions engagées en la matière.
Par exemple, les acteurs de la compétence (Anciennement FFP) ont initié une charte de déontologie que vous pouvez télécharger ici.
Elle est ouverte à l’ensemble des professionnels du secteur, adhérents ou non à la fédération, qui souhaitent s’approprier les 10 engagements posés à savoir :
1 – Je suis titulaire de la certification Qualiopi comme condition préalable à la promotion et la vente de prestations éligibles au CPF, à compter du 1er janvier 2022
2 – Dans le cadre d’une formation certifiante, je garantis que :
▶ Je suis propriétaire de la certification professionnelle visée ou je dispose de l’accord écrit de son propriétaire
▶ Je mets tout en oeuvre pour que l’apprenant ayant suivi une formation certifiante au sein de mon organisation soit en mesure de passer sa certification
3 – Je présente mon offre avec loyauté, quel que soit le support de communication (site web, mailing, démarchage téléphonique, affichage, etc.), en m’interdisant d’attirer ou d’induire en erreur le consommateur par :
▶ La mise en évidence d’une prétendue gratuité de tout ou partie de la prestation
▶ La mise en évidence de cadeaux à la clientèle (ex : ordinateur, tablette, etc.)
▶ Le non-respect des règles d’utilisation de la marque, de la charte ou du logo MonCompteFormation, en particulier par une exploitation sans rapport avec une offre clairement identifiée et effectivement éligible au CPF
▶ L’usurpation de toute représentation des pouvoirs publics (Marianne, logo ministériel, etc.) ou tout autre signe ou symbole institutionnel dans le seul but de faire naître une ambiguïté sur mon identité réelle.
4 – Je maîtrise le recours à la sous-traitance dont je suis le garant quel qu’en soit son objet et en particulier :
▶ Je m’interdis, et interdis à tous mes partenaires, toute pratique agressive ou trompeuse de démarchage commercial
▶ J’interdis à mon sous-traitant d’avoir lui-même recours à la sous-traitance
5 – Je fournis au consommateur toutes les garanties contre l’usurpation de son numéro de Sécurité sociale ou de son Compte personnel de formation et je m’interdis, en particulier, d’usurper les identifiants d’un tiers pour utiliser son compte
6 – J’informe au préalable des frais pris en charge par le Compte personnel de formation et des éventuels frais additionnels
7 – Je facilite la recherche sur MonCompteFormation en ne dupliquant pas les actions similaires de mon catalogue dans le seul but d’optimiser mon positionnement dans le moteur de recherche dont la Caisse des dépôts et consignations assure la neutralité
8 – Je prévois des modalités d’évaluation en amont de la formation pour adapter le cas échéant la prestation aux besoins de la personne
9 – Dans le cadre d’une action de formation en tout ou partie à distance, je garantis :
▶ Une assistance technique et pédagogique appropriée pour accompagner le bénéficiaire dans le déroulement de son parcours
▶ Une information du bénéficiaire sur les activités pédagogiques à effectuer à distance et leur durée moyenne
▶ Des évaluations qui jalonnent ou concluent l’action de formation
10 – Je propose à tout client consommateur le recours amiable et gratuit au service de la médiation de la consommation, en cas de litige.
L’objectif est de se doter d’une communication efficace pour promouvoir les bonnes pratiques et informer largement l’utilisateur.
Autre collectif, nouvellement crée, #CPF4GOOD, souhaite regrouper les certificateurs pour « lutter face à la recrudescence des mauvaises pratiques et fraudes à la formation »
Les certificateurs sont encouragés à s’engager (choix des organismes partenaires, cadrage des pratiques et moyens de communication, politique de vérification….) à dénoncer (mauvaise pratiques, fraudes, manquements…) et à remonter les informations aux instances compétences
Pour aller plus loin : #CPF4GOOD : Un collectif de certificateurs qui lutte contre les mauvaises pratiques et la fraude au CPF
Dans la même veine, Laurent DURAIN, Directeur de la formation professionnelle et des compétences au sein de la Caisse des dépôts, a communiqué le 15/02/2022 sur son compte LinkedIn :
« Avec nos partenaires de la DGEFP et de France Compétences nous avons réuni hier une quarantaine d’organismes de formation qui ont répondu présents à l’appel lancé afin d’améliorer le système du CPF en renforçant son volet sécuritaire et qualitatif.
Un premier échange qui a dégagé une belle dynamique et une formidable énergie des participants pour être également des acteurs actifs des défis actuels de la formation professionnelle.
Ces discussions ont permis de jeter les bases des gros chantiers qui nous attendent ! »
Inviter à dénoncer les pratiques frauduleuses et favoriser les bonnes pratiques de protection de son compte CPF
Si vous connaissez une personne qui a été victime d’un abus sur l’utilisation de ses droits CPF, invitez-la à réaliser un signalement.
Pour aller plus loin : Comment signaler une escroquerie sur Mon Compte Formation ?
Essayez d’encourager les bonnes pratiques de protection de son compte et de ses données autour de vous, notamment celles rappelées par le ministère du travail :
– de ne jamais communiquer ses données personnelles ou professionnelles : numéro de sécurité sociale, email, identification de connexion, date et lieu de naissance. Aucun professionnel de la formation professionnelle ou centre d’appel n’est autorisé à les demander
– de créer soi même son compte professionnel de formation sur le site officiel moncompteformation.gouv.fr. Aucun professionnel n’est habilité à le faire pour un tiers.
– de sécuriser son compte CPF en créant un mot de passe complexe
– ne jamais cliquer sur un lien dont l’origine est douteuse (vérifier l’adresse du site sur le navigateur)
– Contacter les services dédiés en cas de questionnements ou de doute (09 70 82 35 51 (du lundi au vendredi de 9h00 à 17h00 – appel non surtaxé) ou via la plateforme Mon Compte Formation)
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N’hésitez pas à nous contacter, nous accompagnons les organismes dans leurs stratégie qualité et d’ingénierie de formation et de certification.
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