Comme nombreux de mes petits camarades adeptes de la qualité dans le secteur de la formation professionnelle, j’ai souhaité décortiquer la version 8 du guide de lecture, sortie le 23 novembre dernier.
Afin de vous présenter les différents changements et d’organiser la lecture, j’ai fait le choix de créer plusieurs articles qui sortiront au fur et à mesure. Aujourd’hui, je vous livre mes impressions et commentaires sur les indicateurs socles de la certification. Les organismes de formation qui ne dispensent pas de formations certifiantes s’y retrouveront particulièrement. Cet article sera complété par 3 autres et servira de base pour les prochains, qui feront un focus sur :
- la prise en compte de situations de handicap et des logiques de formations à distance (article 2)
- les formations certifiantes RS/RNCP, en alternance et par apprentissage (article 3)
- les actions de bilans de compétences et de VAE (article 4)
Prêts pour un petit tour d’horizon des ajustements de ce guide ? Suivez moi 🙂
Qualiopi V8 : une évolution subtile mais impactante
Une présentation soignée : contrairement aux attentes, la version 8 du guide Qualiopi ne s’étend pas en longueur par rapport à sa prédécesseure, la V7. En réalité, elle se révèle même légèrement plus concise, se réduisant à 39 pages contre 40 pour la version précédente (ça c’est de l’évolution^^).La V8 a subi une « customisation » soignée, avec une présentation légèrement modifiée pour mieux délimiter les cadres essentiels. Cette révision vise à clarifier et à simplifier la compréhension des exigences pour les utilisateurs.
Un préambule enrichi : Le préambule de la V8 enrichit la compréhension du rôle de la certification et du guide de lecture. Il établit clairement que l’audit de certification se distingue des autres obligations réglementaires. Autrement dit, être certifié n’exempte pas les organismes des autres contrôles réglementaires auxquels ils sont soumis.
Une clarification du rôle du guide par rapport au référentiel : Dans la V7, l’objectif du guide était d’ « apporter des précisions sur les modalités d’audits associés au référentiel de certification qualité » ; la V8 explicite que ces précisions sont « sur le référentiel de certification ». Ce changement permet de clarifier le rôle du guide, qui est un complément au référentiel et non un guide de conduite d’audit.
L’importance de l’appréciation de l’auditeur : la V8 confirme que les exemples de preuves mentionnés dans le guide ne sont pas exhaustifs. La conformité repose avant tout sur l’évaluation de l’auditeur concernant la mise en œuvre des processus, plutôt que sur la simple présence ou absence de certains éléments listés. Ce point souligne le rôle crucial de l’auditeur, qui doit faire preuve de discernement et d’adaptabilité en fonction des activités spécifiques de l’organisme évalué.
Critère 1 – diffusion et précision redéfinies : Zoom sur les Indicateurs 1 et 2
Dans la version 8 du guide, le critère 1 se concentre sur l’obligation pour les prestataires de diffuser des informations à leur public. Cette version affine les attentes liées aux indicateurs 1 et 2, apportant des clarifications essentielles sur la méthode de diffusion et enrichissant le glossaire pour une compréhension plus précise des termes utilisés.
Information accessible et exhaustive
L’indicateur 1 exige que les prestataires fournissent une information à la fois accessible et exhaustive sur leurs prestations. Cela inclut des détails sur le contenu de la prestation (une nouveauté de la V8) ainsi que sur tous les éléments mentionnés. La V8 a supprimé l’exigence d’une information « datée et actualisée » présente dans la V7, ce qui pourrait marquer la fin de la nécessité pour les auditeurs de rechercher systématiquement la datation des programmes de formation, y compris sur les sites internet.
Flexibilité dans les méthodes de diffusion
Un ajout notable à la V8 est la flexibilité affirmée dans les méthodes de diffusion de l’information. Les prestataires peuvent diffuser les informations, quel que soit le moyen (site internet, proposition commerciale, plaquette, diffusion partielle sur un site puis complétée via une proposition…). En d’autres termes cette modification est particulièrement avantageuse pour ceux qui préfèrent ne pas divulguer leur tarification immédiatement.
Un glossaire enrichi
La V8 apporte également des précisions sur la diffusion d’informations concernant le handicap *(qui fera l’objet du prochain article) et enrichit la définition des termes « compétences » et « aptitudes », qui doivent être clairement énoncés lors de la définition des objectifs de la formation.
Suivi des résultats de la prestation
Quant à l’indicateur 2, il a évolué pour exiger des prestataires qu’ils fournissent des informations chiffrées permettant de suivre les résultats de la prestation par rapport aux objectifs fixés. Cette mise à jour supprime l’ancienne exigence d’une « information chiffrée sur le niveau de performance et d’accomplissement de la prestation ». Bien que les exemples de preuves demeurent inchangés dans la V8, cette constance pourrait ouvrir la voie à de nouvelles interprétations, allant au-delà des simples mesures de performance et d’accomplissement. Même s’il y a un sentiment général que cet indicateur a été assoupli, je pense qu’il pourrait engendrer de vifs débats. Prenons, par exemple, la question de savoir en quoi le nombre de stagiaires, un élément de preuve maintenu par le guide, contribue réellement à évaluer les résultats de la prestation par rapport aux objectifs fixés. La réponse à cette interrogation complexe deviendra plus claire après le 23 janvier 2024, date à partir de laquelle les premiers audits seront obligatoirement soumis à cette version du guide.
Critère 2 : Éclaircissements sur les indicateurs 5 et 8
Définition et évaluation des objectifs spécifiques
Pour rappel l’indicateur 5 du référentiel demande à ce que « le prestataire définisse des objectifs opérationnels et évaluables de la prestation. »
Le niveau attendu pour l’indicateur 5 a été révisé pour se concentrer sur des « objectifs spécifiques à la prestation » qui sont définis et susceptibles d’être évalués. Cette formulation remplace l’ancienne exigence de « démontrer que les objectifs sont opérationnels et évaluables », qui, en réalité, ne faisait que réitérer l’indicateur sans apporter de précisions supplémentaires. Le glossaire apporte une clarification en définissant ce qu’il entend par objectifs évaluables et opérationnels : des objectifs identifiés de la prestation, à court et/ou moyen terme, qui sont observables et mesurables. Cependant, il subsiste une certaine confusion, car le niveau indique qu’un objectif « peut » faire l’objet d’une évaluation, suggérant ainsi qu’il pourrait également ne pas être évalué. Cette ambiguïté mérite une attention particulière et sera probablement clarifiée à l’avenir.
Précisions sur le positionnement
L’indicateur 8 nous demande de « déterminer les procédures de positionnement et d’évaluation des acquis à l’entrée de la prestation. »
Cet indicateur a été affiné dans la V8. Il est désormais précisé que la procédure de positionnement peut se dérouler pendant le parcours d’admission ou au début de la formation. Ainsi, le terme « à l’entrée » ne se limite pas exclusivement au début de l’action de formation, mais peut également être interprété comme « avant » celle-ci. Le glossaire distingue enfin clairement entre positionnement et évaluation des acquis, définissant les « procédures de positionnement » comme le processus permettant d’identifier les compétences et connaissances déjà acquises et celles nécessitant un apprentissage, et les « procédures d’évaluation des acquis » comme la vérification de la maîtrise des prérequis conditionnant l’accès à la prestation.
Cette distinction est un soulagement notable, car cet indicateur était souvent source de confusion, et de nombreux organismes se limitaient à la notion de prérequis (pas de prérequis = pas de positionnement). Ces précisions devraient permettre une meilleure évaluation des pratiques de chaque organisme, en rappelant que le positionnement est une action caractéristique de l’action de formation. Pour rappel, une action de formation est définie comme « un parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel » (article L. 6313-2) . Il est donc essentiel d’identifier le point de départ (point A) pour mesurer le chemin à parcourir vers l’objectif.
Critère 3 : Nouvelles précisions et améliorations sur les indicateurs 11 et 12
L’Évaluation de l’atteinte des objectifs par les bénéficiaires
L’indicateur 11 du critère 3 reste inchangé en termes de niveau attendu. Il exige (toujours) que le prestataire démontre l’existence d’un processus d’évaluation qui est non seulement formalisé mais aussi effectivement mis en œuvre. Ce processus doit permettre d’évaluer de manière concrète l’atteinte des objectifs de la prestation par les publics bénéficiaires. C’est la notion de « formalisation » qui est clarifiée dans le guide, indiquant que la procédure d’évaluation doit être clairement définie et soutenue par des outils concrets. Cela implique que les prestataires doivent avoir des méthodes et des instruments spécifiques (comme des questionnaires, des tests, des évaluations de suivi, etc.) pour mesurer l’efficacité de leurs formations en termes d’atteinte des objectifs fixés.
L’engagement des bénéficiaires et la prévention des ruptures de parcours
L’indicateur 12 connaît une évolution notable. Il s’applique désormais exclusivement aux formations d’une durée supérieure à deux jours. Cet indicateur se concentre sur les mesures mises en place par le prestataire pour favoriser l’engagement des bénéficiaires tout au long de la formation et pour prévenir les ruptures de parcours. Selon la nouvelle formulation, ces mesures doivent être non seulement démontrables mais également matérialisées par des outils. Cela signifie que les prestataires doivent disposer de stratégies et de dispositifs clairs (tels que des suivis réguliers, des évaluations intermédiaires, des activités de renforcement, etc.) pour maintenir l’engagement des apprenants et minimiser les abandons ou interruptions. Cette exigence souligne l’importance d’une approche proactive dans la gestion des parcours de formation, en veillant à ce que les apprenants restent motivés et engagés tout au long de leur apprentissage.
Critère 4 : révisions des indicateurs 18 et 19
Coordination des intervenants et fonctions clés
Le niveau attendu pour l’indicateur 18 a subi une révision significative dans la version 8 de Qualiopi. Plutôt que de « démontrer l’existence d’une coordination des fonctions nécessaires à la prestation », la nouvelle formulation exige que le prestataire identifie les intervenants pour chaque fonction nécessaire à la prestation et assure leur coordination. Cette approche plus ciblée permet une meilleure organisation et une gestion plus efficace des ressources humaines impliquées dans la prestation. Pour étayer cette exigence, des éléments de preuve supplémentaires sont proposés, tels que les plannings des intervenants, les comptes rendus de réunions, ou encore les relevés d’échanges avec les parties externes.
Le glossaire a également été enrichi pour préciser ce qui est entendu par « mobiliser les intervenants ». Il s’agit de la capacité à impliquer activement les intervenants en fonction des besoins spécifiques de la prestation. Cette clarification renforce l’importance d’une coordination efficace et d’une implication adaptée des différents acteurs dans le processus de formation.
Cohérence et accessibilité des ressources pédagogiques
L’indicateur 19 connaît également une modification notable dans sa formulation. La V8 stipule que le prestataire doit « démontrer que les ressources pédagogiques sont cohérentes avec les objectifs des prestations, sont disponibles et que des dispositions sont mises en place pour permettre aux bénéficiaires de se les approprier ». Cette nouvelle formulation met l’accent sur la cohérence des ressources pédagogiques avec les objectifs de formation et sur leur accessibilité pour les apprenants. La notion d’actualisation, présente dans les versions précédentes, cède la place à celle de cohérence, soulignant l’importance d’une adéquation entre les ressources et les objectifs pédagogiques.
Ces modifications apportées aux indicateurs 18 et 19 s’alignent davantage avec l’organisation générale et les pratiques opérationnelles des centres de formation.
Critère 5 : révisions majeures des indicateurs 21 et 22
Parlons de vérification (et non plus d’évaluation) des compétences des intervenants
L’indicateur 21 connaît une transformation significative dans la version 8 de Qualiopi. Alors que la version 7 mettait l’accent sur l’évaluation de la maîtrise des compétences des intervenants internes et externes par le prestataire, la V8 remplace le terme « évaluation » par « vérification ». Désormais, il est demandé au prestataire de « vérifier » la maîtrise des compétences de ses intervenants.
Ce changement est accueilli positivement pour plusieurs raisons.
- D’un point de vue légal, l’évaluation des compétences des prestataires externes peut être délicate au regard du droit du travail.
- De plus, d’un point de vue logique, lorsque l’organisme de formation (OF) n’a pas les compétences nécessaires pour évaluer celles de son formateur, cette exigence pouvait sembler incohérente.
Le glossaire apporte également une précision sur le terme « mobiliser les compétences », défini comme la « capacité à solliciter les compétences adéquates à la prestation ». Cette clarification aide à comprendre l’importance de choisir et d’utiliser efficacement les compétences nécessaires pour chaque prestation.
Mobilisation et développement des compétences des salariés
Concernant l’indicateur 22, la V8 modifie l’attente en ne requérant plus un « plan de développement des compétences », mais en demandant de démontrer la mobilisation des différents leviers de formation et de professionnalisation pour l’ensemble du personnel. Parmi les exemples d’éléments de preuve, on note l’ajout de « la qualification du personnel ».
Il est également crucial de rappeler à tous les employeurs que l’adaptation des compétences aux évolutions des emplois et des compétences est une obligation réglementaire, conformément au droit du travail (Code du travail – Article L6321-1) Cette révision souligne l’importance pour les organismes de formation de rester à jour non seulement dans les compétences de leurs salariés mais aussi dans leur capacité à répondre aux exigences réglementaires et aux besoins changeants du marché du travail.
Critère 6 : Veille et Sous-traitance – évolutions des indicateurs 23 et 25
La Veille légale et réglementaire
L’indicateur 23 subit une révision notable dans la version 8 de Qualiopi, avec une précision accrue sur les attentes. Il est désormais exigé du prestataire de « démontrer la mise en place d’une veille légale et réglementaire, sa prise en compte par le prestataire et sa communication en interne ». Cette nouvelle formulation met l’accent sur l’importance non seulement de la mise en place d’une veille, mais aussi de son intégration active dans les pratiques du prestataire et de sa diffusion au sein de l’organisation. Les exemples d’éléments de preuve ont été adaptés pour refléter ces précisions, soulignant l’importance d’une veille efficace et bien communiquée au sein de l’organisme de formation.
Indicateur 25 : enrichissement des exemples de preuve
Pour l’indicateur 25, demandant la réalisation d’une veille sur les innovations pédagogiques et technologiques permettant une évolution des prestations, les exemples d’éléments de preuve ont également été enrichis, afin de mieux correspondre aux exigences spécifiques de l’indicateur (et non plus uniquement sur la veille « économique » comme précédemment). Cette mise à jour vise à fournir une orientation plus claire sur les types de preuves attendues pour démontrer la conformité avec cet indicateur, assurant ainsi une meilleure adéquation entre les pratiques des prestataires et les attentes du référentiel.
La sous-traitance : des ajouts … limités
Concernant la sous-traitance, il semble que cet indicateur ait connu moins de changements significatifs que prévu. Si des exemples de preuve ont été ajoutés ou ajustés (par exemple, le « contrat de prestation de service » est remplacé par « contrat de sous-traitance »), et qu’il a été rappelé que l’indicateur n’impose pas aux sous-traitants l’obligation de la certification Qualiopi®, il n’y a pas eu d’autres ajouts majeurs. Cette situation laisse entendre que, bien que des ajustements aient été apportés pour une meilleure clarté, l’approche globale envers la sous-traitance reste relativement inchangée dans cette version du référentiel. Dommage !
Note : l’indicateur 26, partie intégrant du critère 6, fera l’objet d’un traitement spécifique dans notre prochain article et ne sera pas abordé ici.
Critère 7 : ajustements des indicateurs 30, 31 et 32
Zoom sur la « sollicitation » des appréciations
L’indicateur 30 connaît un ajustement significatif dans sa formulation. Au lieu de « démontrer la mise en place d’un système de collecte », le niveau attendu est désormais de « démontrer la sollicitation des appréciations ». Cet ajustement élargit le spectre des méthodes de recueil des retours, incluant désormais des approches telles que les comités de pilotage, les webinaires, ou les échanges avec les financeurs sur une ou plusieurs prestations. Cette modification reconnaît la valeur de diverses formes de feedback, au-delà des méthodes traditionnelles de collecte de données.
Le guide apporte également une précision sur la temporalité de recueil des appréciations auprès des financeurs, indiquant qu’elle peut être annuelle plutôt qu’à la fin de chaque prestation. Cette clarification offre une flexibilité bienvenue dans la gestion des retours des financeurs.
Indicateurs 31 et 32 : quelques précisions non négligeables
Les indicateurs 31 et 32 ont été enrichis avec l’ajout d’éléments de preuve supplémentaires. Par exemple, des éléments tels que « le tableau de suivi des réclamations et leurs traitements (31)/ mesures d’amélioration (32) » sont désormais inclus. Ces ajouts visent à fournir une vision plus complète et structurée de la gestion des réclamations et des améliorations apportées.
Pour l’indicateur 31, le glossaire a été enrichi avec les définitions d' »aléa » et de « difficulté », venant compléter la définition déjà existante de « réclamation ». Ces définitions apportent une clarté supplémentaire sur les types de situations que les prestataires doivent être capables de gérer :
Aléa : Un événement externe imprévisible entraînant une perturbation.
Difficulté : Un élément qui empêche ou gêne la réalisation de la prestation.
Ces ajustements dans les indicateurs 30, 31 et 32 reflètent une approche plus nuancée et flexible de la collecte des appréciations et de la gestion des réclamations et difficultés.
C’est tout ?
Nous arrivons à la fin de notre article consacré aux changements constatés sur la V8. Mais l’analyse n’est pas finie ! Restez connecté pour suivre nos prochains articles sur :
- la prise en compte de situations de handicap et des logiques de formations à distance (article 2)
- les formations certifiantes RS/RNCP, en alternance et par apprentissage (article 3)
- les actions de bilans de compétences et de VAE (article 4)
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